mardi 11 janvier 2011

INDOCHINE 1981-2011 : 30 ans !

INDOCHINE [1981-2011] : la saga

2011 : Le groupe INDOCHINE, emblématique de la new-wave en France dans les années 80, fête ses trente ans d'existence. Voici un petit résumé de leur carrière discographique, et accessoirement une petite biographie non exhaustive.

En 1980, en banlieue Parisienne vivent chez leur mère trois frères d'une vingtaine d'années, les Sirchis : Christophe l'aîné et les jumeaux Stéphane et Nicolas. Nicolas se passionne pour le rock et fonde avec Alain, un copain, un groupe dont il s'improvise chanteur : Les Espions. Pour étoffer leur formation, à la fin de cette même année 1980, Nicolas fait paraître une annonce pour trouver un guitariste. C'est un dénommé Dominique Nicolas qui y répondra. Pourtant, en ce début de l'année 1981, Nicolas (au chant) et Dominique (à la basse, en fin de compte) ne sont pas à l'aise au sein des Espions et en parallèle des répétitions du groupe, travaillent de leur côté en duo dans la chambre de Nicolas sur leurs propres projets musicaux. Les prestations vocales de Nicolas ne sont pas convaincantes, et le groupe lui préfère rapidement un autre chanteur. C'est le déclic, Nicolas et Dominique quittent prématurément le groupe pour voler de leurs propres ailes en recrutant au passage un autre musicien de leur connaissance, Dimitri Bodianski, dont l'instrument de prédilection est le saxophone.


L'AVENTURIER [1982]

Ainsi, au mois de mai 1981, un embryon de groupe est constitué autour de ce trio, Nicolas au chant (qui prendra désormais pour nom de scène Nicola Sirkis), Dominique à la guitare et Dimitri au saxo. Quelques compos ("Dizzidence Politik", "Françoise"...) et une reprise de "L'opportuniste" de Jacques Dutronc constituent alors leur répertoire. Ils baptisent alors leur groupe "INDOCHINE" et démarchent dans la foulée pour jouer sur une scène Parisienne : C'est finalement le "Rose Bonbon" qui leur donne leur première chance, le 29 septembre 1981. Officiellement, INDOCHINE est le trio Nicola-Dominique-Dimitri, mais en réalité, Stéphane, le frère jumeau de Nicola, leur offre sur scène un soutien logistique non négligeable, jouant même selon les morceaux un peu de synthétiseur. La prestation au "Rose Bonbon" durera moins d'une demi-heure, devant une cinquantaine de curieux, mais les réactions sont relativement encourageantes : aussi, le "Rose Bonbon" leur offre la possibilité de revenir jouer un mois plus tard, en partageant la scène avec d'autres groupes dont Blessed Virgins, groupe qui à l'époque commençait à se faire un nom. Et c'est au cours de ce concert fin octobre 1981 que tout va se jouer : venu en curieux prendre la température de la nouvelle scène Parisienne, le producteur Didier Guinochet va flasher sur INDOCHINE et leur proposer un contrat avec le label "Clémence Melody" (fondé par Gérard Lenorman). Dans l'immédiat, il leur permet d'aller directement enregistrer dans un studio professionnel leur premier 45 tours, "Dizzidence politik / Françoise". INDOCHINE se produit une nouvelle fois au "Rose Bonbon" en février 1982 pour promouvoir la sortie de ce single. Finalement, le bouche-à-oreilles aidant, ce 45 tours connait un succès plus qu'honorable, et le public d'INDOCHINE s'étoffe de jour en jour. Au vu de ce résultat très encourageant, Didier Guinochet prévoit quelques jours en studio supplémentaires pour ré-enregistrer une version plus travaillée, remixée de "Dizzidence Politik"...

En fin de compte, INDOCHINE profite opportunément de cette session studio pour également enregistrer dans des conditions professionnelles leur répertoire de l'époque : "L'opportuniste" (de Dutronc), "Leïla", "Docteur Love", "Indochine (les 7 jours de pékin)" et surtout... "L'aventurier" ! Convaincu, Didier Guinochet leur donne le feu vert pour finaliser cette session d'enregistrement en un premier (mini) album. Mais les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu : le mixage définitif n'est pas à la hauteur des attentes du groupe, qui finit par négocier avec leur producteur de pouvoir recommencer ce mixage en Angleterre, au "Red Bus" à Londres, avec Simoen Skofield, une "pointure" à l'époque du travail en studio. Le mini-album 6 titres sort en novembre 1982, et est baptisé "L'aventurier", du titre de la composition qu'ils estiment avoir le mieux réussi, et qui est destinée à devenir le prochain single. Entre temps, Stéphane a officiellement et logiquement intégré le groupe. Manque seulement sur ce disque "Françoise", la face B du 45 tours "Dizzidence Politik", qui ne fait pas partie de ce vinyle. En revanche, quelques années plus tard, ce titre sera rajouté lors de l'édition en CD.

Le premier 45 tours "Dizzidence Politik", de facture moyenne, ne révolutionne pas le genre ; c'est un titre pop-rock dont la plus grande originalité est le texte, constitué de phrases sans verbes, comme une série de slogans, qui évoque en filigramme la situation kafkaïenne des pays de l'Est sous dictature soviétique. Dans la même veine, la reprise de "L'opportuniste" de Jacques Dutronc est honorable, sans plus. Le titre "Indochine (les sept jours de Pékin)", toujours dans ce même style pop-rock, est un peu plus inspiré. Ce titre en outre est emblématique, au niveau du texte, de ce qui sera le style INDOCHINE une bonne partie des années 80 : Souvent, dans ses textes, Nicola raconte de petites histoires dans lesquelles les tribulations des protagonistes se déroulent en (extrême) orient. Pour son inspiration, Nicola choisit souvent la facilité en prenant des personnages fictifs d'oeuvres littéraires, du cinéma ou de la bande dessinée : Ainsi "L'aventurier" est symbolique de ce qui restera pendant quelques années le style INDOCHINE, tant pour la musique, subtil mélange de rock et de musique synthétique, que pour le texte : une petite histoire dans laquelle l'on peut suivre les tribulations orientales de Bob Morane, un personnage emprunté à l'univers de la bande dessinée (il a été créé par Henri Vernes).


Avec ce deuxième 45 tours, "L'aventurier", INDOCHINE décroche le jackpot : cette chanson, superbe au demeurant, deviendra le tube de l'année 1983, un succès qui imposera INDOCHINE comme un groupe majeur de la scène Française. Cette même année, ils reçoivent le "Bus d'acier", la récompense attribuée en France à l'époque chaque année au "Meilleur espoir du Rock Français" (décerné les deux années précédentes à CharlElie COUTURE et à Alain BASHUNG). Désormais, INDOCHINE joue dans la cour des grands.

LE PERIL JAUNE [1983]

Dans la foulée du succès colossal de "L'aventurier", INDOCHINE enregistre dans l'urgence, sous la pression soudaine de la demande, l'album studio "Le péril jaune"... Et comme on ne change pas une recette qui marche, cet album est exactement dans la veine de l'opus précédent. Cette fois ci, il s'agit d'un véritable album, enregistré dans les règles de l'art, et non plus une simple suite de titres compilés à la va-vite les uns après les autres comme ce fut le cas pour "L'aventurier" : "Le péril jaune" présente une cohérence manifeste dans l'ordre des titres, avec une intro instrumentale (le titre "Le péril jaune", justement) qui ouvre subtilement cet album, et qui le clôture également, dans une version légèrement différente. En pleine période "new-wave", INDOCHINE propose un album en phase avec son époque : très rythmés dans l'ensemble, les titres du "Péril jaune" trouvent le juste équilibre entre le rock des décennies précédentes et la synth-pop des eighties. Le premier single "Miss Paramount" est un rock de bonne facture, mais ne supporte pas la comparaison avec "L'aventurier". D'autres titres eux aussi très rythmés sont de véritables perles "new wave", tels "Shangaï" ou "Razzia". Le meilleur morceau de cet album dans cette veine reste sans doute "La sècheresse du Mékong". Le très consensuel "Kao-Bang" sera quant à lui choisi comme deuxième 45 tours. Enfin, signalons outre l'intro/final "Le péril jaune" un autre instrumental, plus dans la veine des autres titres de l'album, le sympathique "Tonkin".


3 (1985)

Avec leur troisième album, sorti en 1985 et sobrement baptisé "3", INDOCHINE frappe un grand coup : Ce disque deviendra ce qu'il convient d'appeler un album culte. Ce disque restera longtemps (jusqu'à "Paradize" en 2002) l'album le plus vendu d'INDOCHINE, un disque qui fera d'eux le groupe rock le plus populaire en France en 1986 : ils connaissent à ce moment là leur apogée. Déjà, le premier 45 tours extrait de cet album devient un tube majeur de l'année 1985 : Il s'agit du fameux "Canary bay", qui connaitra un succès autrement considérable que celui rencontré par ses deux prédécesseurs de l'album "Le péril jaune", "Miss Paramount" et "Kao-Bang". Mais c'est surtout le 45 tours "3ème sexe" (face A) / "3 nuits par semaine" (face B) qui amorcera dès l'hiver 1985-1986 "l'indo-mania", "indo-mania" maintenue également par le succès du slow (pourtant médiocre) "Tes yeux noirs" pendant l'été 1986. Pour l'anecdote, ce sera Serge Gainsbourg qui réalisera en 1986 le clip de ce titre, clip dans lequel la figurante (supposée jouer le rôle de la fille aux yeux noirs de la chanson) n'est autre que Hélèna Noguerra, la demi-soeur de la chanteuse Lio...


Ce troisième album est toutefois un peu en rupture avec les deux opus précédents d'INDOCHINE. Musicalement déjà, les synthés prennent franchement le dessus sur les guitares ; c'est certainement l'album d'INDOCHINE le plus éloigné du rock basique tel qu'on le conçoit... Et c'est bien là ou le bât blesse : jugé trop consensuel par leurs détracteurs, avec "3", INDOCHINE est désormais mis au ban par les puristes du rock. Le succès populaire d'INDOCHINE devient inversement proportionnel à leur crédibilité. La rupture, elle existe aussi au niveau des textes : Sur les albums "L'aventurier" et "Le péril jaune", le thème de prédilection de Nicola était l'aventure, sans pléonasme aucun, l'aventure phantasmée des bandes-dessinées ("L'aventurier") ou du cinéma ("Miss paramount", "Razzia", "Docteur love"), et de préférence en Orient ("Kao-Bang", "Shangaï", "La sècheresse du Mékong", "Indochine (les sept jours de Pékin)", "A l'Est de Java"). Désormais, c'est le sexe qui devient le thème de prédilection de Nicola pour son écriture : "3 nuits par semaine", "Le train sauvage" et "Tes yeux noirs" évidemment, mais aussi plus précisément le thème de l'homo et de la bi-sexualité, avec une invitation à la tolérance adressée à la majorité hétéro, dans "Canary bay", "Hors-la loi" et surtout "3ème sexe". Seuls les titres "A l'assaut" et "Salômbo" ("Monte-Cristo" à la rigueur) auraient pu figurer, en raison de la thématique de leurs textes (l'aventure et l'exotisme oriental), sur un des albums précédents. Dans l'ensemble, un succès public largement mérité pour "3" ; seuls deux titres ("Tes yeux noirs" et "Le train sauvage"), sont un petit peu moins réussis que le reste de l'album, globalement de très grande facture... "A l'assaut (des ombres sur l'Ô)", la version 45 tours de "3 nuits par semaine" et "Hors-la-loi" sont des morceaux particulièrement réussis ! par contre, il est difficile de savoir quel rôle aura joué le mixage de Joe Glasman quand à l'esthétique globale de l'album, pour savoir en fin de compte si cette rupture musicale avec les deux albums précédents a été un choix délibéré d'INDOCHINE ou une fantaisie de l'arrangeur... En fin de compte, il est difficile d'établir avec certitude s'il n'a pas été fait un mauvais procès à INDOCHINE à l'époque rapport à l'aspect éminemment "commercial" de ce disque, un album jugé trop "lisse" par les rockers purs-et-durs. Il est clair qu'un tel succès discographique génère bien évidemment des revenus financiers considérables (800 000 albums vendus, ça représente une grosse somme), et donc certainement un peu de jalousie de la part de certains de leurs contemporains : le vedettariat fausse les jugements, c'est un fait... Et à l'inverse, la spectaculaire popularité du groupe en 1986 a sûrement beaucoup favorisé le succès commercial du single "Tes yeux noirs", diffusé à outrance, jusqu'à l'overdose : il faut admettre que cette chansonnette ne révolutionne en rien le genre... En 1990, les Inconnus prendront pour cible les artistes au succès exagérément "gonflé" par le vedettariat, ceux dont la réussite commerciale relève davantage du marketing que de leur dimension artistique intrinsèque... Première cible, Stéphanie (de Monaco), dont les disques se sont vendus en premier lieu grâce à son patronyme, davantage en tout cas que pour ses qualités artistiques... Dans le même ordre d'idée, le succès exagéré en 1986 pour un disque aussi médiocre que "Tes yeux noirs", avec un texte franchement poussif, ça a été du pain béni pour les Inconnus ! Ainsi, leur parodie "Isabelle a les yeux bleus" est clairement inspirée de "Tes yeux noirs" d'INDOCHINE ( Les Inconnus : "Soudain quand elle est partie / J'ai vu qu'elle n'était plus là" ; INDOCHINE : "Où vas-tu les yeux noirs / Tu t'en vas vers nulle part"... Une faiblesse dans le texte de Nicola qui n'a échappé à personne, tant la chanson a été et est encore matraquée). C'est évidemment mesquin de résumer INDOCHINE à ce seul titre, tant il est vrai que "3" regorge de bons morceaux, beaucoup plus inspirés. En tout cas, "3" est un des meilleurs disques d'INDOCHINE, même en ne tenant pas compte de son succès commercial.


7000 DANSES [1987]

En 1987, INDOCHINE est donc au sommet de sa créativité et de sa popularité. A ce moment là, le groupe a en effet les moyens financiers et donc techniques d'enregistrer l'album qui restera peut-être sa plus belle réussite artistique. Avant l'album, durant l'été 1987, sort un nouveau 45 tours, "Les tzars", un titre résolument rock aux arrangements très travaillés, avec un texte particulièrement inspiré, un véritable petit chef d'oeuvre qui montre combien le groupe est au sommet de son art. En revanche, même si INDOCHINE avec ce titre reste dans une voie très "new-wave", le groupe s'éloigne radicalement des ritournelles synth-pop aux arrangements sirupeux de l'album "3" (style "Canary Bay")... Et en comparaison de l'insipide "Tes yeux noirs", c'est même un virage a 180° ! Alors, forcément, ceux qui achetèrent en 1987 le 45 tours "Les tzars" ne furent certainement pas les mêmes que ceux de "Tes yeux noirs" en 1986. Bien que prenant son public supposé à rebrousse-poil avec "Les tzars", ce titre se classera honorablement au top 50 (mieux que "Canary Bay", par exemple !). Pour ce qui est de l'album "7000 Danses", c'est incontestablement une réussite artistique, dans son ensemble. A part peut être "Il y a un risque (le mépris)", "La machine à rattraper le temps" ou "Une maison perdue", titres un peu "faibles", le reste de l'album ne recèle que des perles ! et une ouverture musicale assez hallucinante ! autant les trois premiers albums du groupe avaient chacun une couleur musicale homogène, autant "7000 Danses" compile des morceaux n'ayant à priori aucune cohérence musicale entre eux, mais pourtant complémentaires sur ce disque absolument d'avant-garde ! Une "intro" qui lorgne vers le néo-classique, la très surprenante "Bûddha affaire", une envolée rock new-wave de grande facture avec "Les citadelles", un titre très planant aux nappes de synthés alanguis dans une veine proche de la pop progressive du Pink Floyd du milieu des années 70 avec "7000 danses" (dans le même ordre d'idée, il y aura "More..." en 1990, sur l'album "Le Baiser"), un titre pop-rock iconoclaste que n'aurait pas renié Jacques Dutronc avec "Un grand carnaval"... La ballade pop "La chevauchée des champs de blé" est peut-être, en revanche, un peu en dessous car sans grande originalité, mais reste néanmoins une compo qui tient la route.


Le choix du premier single "Les tzars" était assez audacieux car à contre-courant de ce que l'on pouvait attendre d'INDOCHINE, mais cela ne l'a pas empêché d'être un tube durant l'été 87 du fait de ses qualités musicales intrinsèques. En revanche, cela n'a pas été le cas pour le très mièvre "La machine à rattraper le temps", titre pop-rock "correct", mais finalement assez indigeste (ceci étant, "Tes yeux noirs" l'était encore davantage et a pourtant eu un très gros succès... Comme quoi, ça ne veut rien dire) ; même punition pour le troisième 45 tours tiré de cet album en 1988, "La chevauchée des champs de blé", dans la même veine pop-mélodique que son prédécesseur, mieux réussi peut-être, mais pas assez original toutefois pour ressortir du lot au milieu de la production hexagonale de l'époque. Le choix de ces deux "singles" ("La machine à rattraper le temps" et "La chevauchée des champs de blé") s'avèrera malheureux et plombera sans doute en partie les ventes de l'album "7000 Danses", qui fera l'effet d'un pétard mouillé : certes, l'album se vendra à un petit peu moins de 400 000 exemplaires, ce qui est dans l'absolu un beau succès commercial, mais c'est très peu en comparaison de l'album précédent, "3", écoulé à plus de 800 000 exemplaires. C'est un peu dommage, cet album méritait mieux. Choisir comme 45 tours le titre "Les citadelles" par exemple aurait été plus judicieux... Cette désaffection partielle du public et l'usure d'une vie artistique menée sur les chapeaux de roues pendant sept ans auront peut-être raison de la motivation de Dimitri, le saxo du groupe qui, au même moment, fin 1988, jette l'éponge : INDOCHINE en 1989 n'est donc plus qu'un trio potentiel.


LE BAISER [1990]

Objectivement et artistiquement, que s'est-il passé au début des années 90 ? Après une année sans INDOCHINE dans les medias en 1989 du fait d'une totale absence d'actualité visible du groupe (en fait, Nicola Stéphane et Dominique sont en studio), en 1990, c'est la sortie de l'album "Le Baiser", un album plutôt médiocre, artistiquement parlant, en comparaison des précédents, il faut bien, quand même, le reconnaître ! Il ne faut pas espérer être au "top" avec un disque mineur, pas besoin de faire polytechnique pour le comprendre : Ainsi, après un bon démarrage au moment de sa sortie, les ventes de cet album chutent très rapidement au fil des semaines. C'est un désaveu cinglant.

Car quoi qu'il en soit, à l'époque, INDOCHINE avait encore un potentiel énorme (les ventes de la compil "Le Birthday Album" en 1991 seront là pour le prouver) mais le phénomène INDOCHINE a été plombé par une orientation musicale malheureuse avec cet album "Le Baiser" : un album pop ultra conventionnel, lisse et insipide (pop, quoi !), comme il y en a tant, avec certes des compos parfois inspirées ("Les années bazar", "Tant de poussière", "Punishment park", avec la participation vocale sur ce titre de l'actrice Juliette Binoche, l'instrumental "Persane Thème"), une superbe perle musicale quand même (le titre "More...", qui justifie à lui seul l'existence de cet album... Titre d'inspiration très seventies, très "psyché", peut-être un petit clin d'oeil à Pink Floyd ?), mais avec surtout près de la moitié de "ratages" (des titres sans consistance, à commencer par le premier single, "Le Baiser", mais aussi "Alertez Managua", "Soudain l'été dernier", voire des morceaux franchement insipides, comme "La colline des roses" ou "Les plus mauvaises nuits", qui porte bien son titre). Certes, c'est une rupture avec la synth-pop du groupe du début des années 80. Ceci étant, cette approche pop-mélodique a déjà été partiellement amorcée sur l'album précédent "7000 Danses" avec les titres "La chevauchée des champs de blés" et "La machine à rattraper le temps"... Une tentative de reconversion musicale d'INDOCHINE ? Bien sûr, en 1990, le son des années 80 avait du plomb dans l'aile, c'est un fait... Mais qu'en aurait-il été si INDOCHINE avait choisi de produire cet album "Le Baiser" dans la même optique musicale "new wave" que "7000 danses" ou "3", en embauchant Joe Glasman pour peaufiner des arrangements colorés sur des mariages improbables mais ô combien inspirés d'un glam-rock audacieux et d'une techno-pop sautillante ! Le groupe anglais Dépêche Mode, pourtant considéré emblématique du son années 80, a été au sommet de sa gloire au début des années 90 avec "Violator", un album très "synth-pop" dans la veine de ce qu'ils ont toujours fait dans les années 80... En fait, même mise à mal par de nouveaux styles musicaux (house, rap, rock alternatif...), en 1990 la "new-wave" a encore ses adeptes et reste un style très fédérateur. Au lieu de cela, au même moment, avec "Le Baiser", INDOCHINE semble tourner le dos a son orientation "synthétique" qui a pourtant été sa marque de fabrique depuis le début ; cela ressemble à un "suicide commercial", et cela peut aussi expliquer le manque d'engouement de leur maison de disque à leur endroit à ce moment là. Les plus optimistes diront qu'à l'époque, ce changement radical de l'orientation musicale d'INDOCHINE fut le meilleur argument du groupe face à ses détracteurs, la meilleure réponse à ceux qui se gaussaient de la parodie "Isabelle a les yeux bleus" (même si, selon certaines sources, c'est le groupe Partenaire Particulier qui était visé)... Il y a pourtant un détail qui leur échappe visiblement : contrairement a ce que l'on pense, cette parodie des Inconnus n'a pas eu, en 1990, une influence aussi négative sur la carrière du groupe que ce que l'on pourrait croire : si la parodie a fait mouche, c'est effectivement parce-que le début des années 90, en pleine mutation musicale, semblait vouloir faire table rase du passé... Mais même si, à l'époque, l'égo des membre du groupe en a pris un coup (et ils n'en avait certes pas besoin vu l'insuccès relatif de l'album "Le Baiser", on comprend que leur moral devait être au plus bas), il faut savoir qu'il y a eu un véritable "retour de balancier" : en réaction au sketch des Inconnus, il y a eu une véritable empathie pour INDOCHINE durant cette année 1990 ! cette parodie sera paradoxalement un coup de pub inattendu pour INDOCHINE qui restera au moins jusqu'en 1992 incontestablement un groupe majeur dans l'espace francophone... Evidemment, en comparaison des scores réalisés par les albums précédents, "Le Baiser" est un flop puisqu'il se vendra péniblement à 100 000 exemplaires dans un premier temps (en ventes cumulées au fil des années, cet album se vendra en fait à plus de 250 000 exemplaires, ce qui est tout à fait honorable !), mais, rappelons-le, "3" avait été vendu à plus de 800 000 exemplaires rien qu'en France, et "7000 Danses" à près de 400 000 exemplaires ! Ceci étant, même avec "seulement" 100 000 albums écoulés, INDOCHINE reste l'un des groupes rock les plus vendeurs de l'Hexagone... En outre, le 45 tours "Le baiser", premier single tiré de l'album, sera tout de même classé au "Top 50" en mars 1990, alors que ce titre, franchement minimaliste dans son traitement, n'est pas des plus fédérateurs, loin s'en faut ! preuve en est que le seul nom d'INDOCHINE suffit encore, début 1990, à "faire vendre", ce qui est un signe éminent de popularité... Le second single, "Des fleurs pour Salinger", à peu près contemporain du phénomène social généré par la parodie des Inconnus, lui, n'aura pas les honneurs du "Top 50" (ce 45 tours aura toutefois un très gros succès en Belgique). Il n'empêche que rétrospectivement, ce titre marquera davantage les esprits que son prédécesseur... Il faut dire que la version "single", remixée, est bien meilleure que la version album, plutôt maladroite... Après, ce titre est loin d'être la meilleure composition du groupe, tout juste du niveau de "La chevauchée des champs de blé" (titre qui n'est pas entré lui non plus au "Top 50"). Donc, rien d'étonnant : INDOCHINE a beau être un groupe très populaire, ça ne suffit pas toujours à faire vendre des disques de qualité artistique médiocre : il ne faut pas non plus prendre les gens pour des cons (une fois, avec le premier single, "Le baiser", ça peut passer. Après, non !)... En tout cas, reconnaissons que cette version 45 tours de "Des fleurs pour Salinger" est, à ce moment là, la seule production du groupe qui soit un tant soit peu en harmonie avec l'esprit musical d'INDOCHINE, enfin celui auquel ils nous avaient habitués dans les années 80.

En 1991 sort le 45 tours "Punishment park". Artistiquement, ce morceau est plutôt réussi, sans doute après "More..." et "Les années bazar" une des meilleures compositions de l'album... Sauf que ce titre ne colle pas, une fois encore, au "style INDOCHINE" : c'est un titre pop-rock de bonne facture, certes, avec la participation vocale de l'actrice Juliette Binoche (invitée "anonyme" à l'époque : son nom n'est pas cité), mais qui ne révolutionne en rien le genre... Pas de quoi provoquer un phénomène de mode... En plus, mauvais timming... Ce 45 tours sort au moment où la scène musicale en France connait un bouillonnement musical sans précédent : on est en pleine "Bruel-mania", François Feldman, Mylène Farmer, Francis Cabrel ou Roch Voisine sont au sommet de leur popularité, Goldman est lui aussi toujours omniprésent (ici, avec Frédéricks et Jones), le rap explose, la "dance" festive, la "house music" en pleine mutation en 1991 qui va donner naissance cet été là à la "techno", représente à elle seule une bonne partie du marché des ventes de disques, la scène rock française, alternative ou non, est au sommet de sa crédibilité et de sa créativité, générant ou consacrant une pléiade de nouveaux talents comme La Mano Negra ou Elmer Food Beat (deux groupes plébicités fin 1990 et début 1991)... Et même les morts s'y mettent ! la disparition de Gainsbourg provoque en 1991 un regain d'intérêt pour l'intégralité de son oeuvre, une mini "Gainsbourg-mania" en quelque sorte (et à ce moment là, s'il on parle d'INDOCHINE, c'est uniquement pour évoquer le tournage en 1986 par Gainsbourg du clip de "Tes yeux noirs" !). Donc, en cette année 1991, la concurrence est rude, le marché du disque est un peu saturé. Si l'on ajoute à cela une promo et une distribution approximative (je n'ai jamais vu le 45 tours "Punishment park" dans les bacs des disquaires, à l'époque, alors que le clip passait en boucle sur M 6 !), dans ce contexte, on comprend que ce titre soit passé un peu inaperçu. Mais il restera tout de même pour les fans une chanson majeure du groupe. Quoi qu'il en soit, si les chansons de l'album "Le Baiser" avaient étés de meilleure facture, et esthétiquement dans la veine de celles de "3", nul doute qu'INDOCHINE aurait en 1990-1991 joué à jeu égal avec Mylène Farmer ou Patrick Bruël... A l'époque le groupe s'était défendu du relatif insuccès de l'album "Le Baiser" en se disant victime d'une cabale, d'un boycott, que les médias (à commencer par les Inconnus avec cette cruëlle parodie "Isabelle a les yeux bleus") cherchaient à discréditer INDOCHINE... En fait, le "boycott" des singles d'INDOCHINE de cette période répond à une logique simple et implacable : le groupe à ce moment là n'était pas au sommet de sa créativité... Peut-être que si "More..." était sorti comme premier single de l'album début 1990 à la place du très moyen "Le baiser" le succès aurait-il été au rendez-vous (quoique, là encore, par rapport au "style INDOCHINE", ce titre est assez déroutant). Quoi qu'il en soit, Nicola réalisera lui-même une vidéo de ce titre en 1991, titre qui figurera également en version courte sur la compilation "Le Birthday Album"... Il est probable que le groupe, toute subjectivité mise à part, avait conscience d'avoir réalisé avec "More..." une composition exceptionnelle... En tout cas, un titre qui ressort du lot.


LE BIRTHDAY ALBUM [1991]

Car la sortie, toujours en 1991, de la compil pour les 10 ans du groupe, "Le Birthday Album", prouve à quel point INDOCHINE reste un groupe fédérateur. Effectivement, là, rien à dire ! une compil regroupant les meilleurs titres d'INDOCHINE en versions singles (versions souvent meilleures, d'ailleurs, que les versions albums), forcément, un gros succès commercial à la clé, succès justifié et mérité ! L'immense succès de la compil "Le Birthday Album" (600 000 exemplaires vendus ! une réussite commerciale qui ne doit absolument rien au single inédit "La guerre est finie", titre pop sans consistance qui aurait pu, sans détonner, figurer sur l'album "Le Baiser") montre bien que INDOCHINE est sans conteste toujours l'un des groupes majeurs de la scène Hexagonale. Ils ne sont en rien victime d'une "cabale", et la parodie "Isabelle a les yeux bleus" n'a probablement eu aucune incidence sur les ventes de l'album "Le Baiser", ni sur celles des 45 tours qui en sont issus (au contraire, cela faisait parler d'eux : ainsi, de populaire qu'il était, le groupe INDOCHINE devint en 1990 carrément culte).


DANS LA LUNE [1992]

Là dessus, en 1992, Nicola Sirkis sort un album solo de reprises, "Dans la lune", d'orientation pop (donc en fait, dans la lignée logique de l'album "Le Baiser"), produit par Les Valentins (groupe mené par Edith Fambuena et Jean-Louis Piérot), mais franchement réussi, lui... Produire un album pop est un exercice de style qui convient bien aux Valentins, dans la mesure où c'est leur registre musical de prédilection, car même si le groupe en lui-même est assez peu connu du grand public, il faut savoir que, à l'époque, ils sont les musiciens attitrés d'Etienne Daho ! le son "Daho" du début des années 90 ("Saudade", "Des attractions désastres", "Comme un igloo"), ce sont Les Valentins qui l'ont créé ! et un ancien membre du groupe, Gérald De Palmas, connaitra lui aussi une carrière impressionnante ! Donc, en matière de "pop", les Valentins savent de quoi ils parlent. En outre, adapter des chansons qui ont déjà fait leurs preuves, c'est évidemment moins "casse-gueule" que faire des compos sans aucun recul extérieur... Donc, plusieurs raisons font que "Dans la lune" est une réussite artistique. Sauf que "Nicola Sirkis", c'est moins fédérateur que "INDOCHINE", et si l'album "ne se vendra qu'à 40 000 exemplaires", c'est déjà une reconnaissance en soi, une réussite méritée, dans la mesure où si ce même album avait été, à l'époque, vendu sous l'étiquette "INDOCHINE", les ventes auraient été beaucoup plus importantes, j'en reste convaincu.

UN JOUR DANS NOTRE VIE [1993]

Lorsque INDOCHINE sort en 1993 le sixième album studio "Un jour dans notre vie", le public fait évidemment le rapprochement avec le groupe du "Birthday album"... Et c'est là ou le bât blesse : les titres de "Un jour dans notre vie" ne supportent pas la comparaison avec ceux de la compil, évidemment ! La critique rock, à l'époque, se voit proposer un album studio pop franchement mauvais, dans la lignée du précédent, "Le baiser", mais en pire, donc forcément, c'est une volée de bois vert contre ce disque ! Quand aux fans du groupe, ils sont dubitatifs : entre cet album tout à fait secondaire et l'album solo de Nicola, ils ne se font pas trop d'illusion sur l'avenir du groupe : ça sent le sapin ! Difficile dans ce contexte même pour les plus fidèles d'entre eux d'apporter un soutien inconditionnel à un groupe pas vraiment inspiré et qui semble au bord du split ! Voilà, plus objectivement, les raisons de la baisse de popularité d'INDOCHINE au milieu des années 90... Il ne faut pas confondre les causes et les conséquences.

Car dans un contexte musical concurrentiel, continuer dans cette orientation artistique et au vu de l'accueil mitigé de l'album "Le Baiser" relève du masochisme, à moins d'un trait de génie, des compos et des textes franchement inspirés... Et Ce n'est malheureusement pas le cas en 1993 avec "Un jour dans notre vie" : Aucune leçon n'aura été tirée du disque précédent, INDOCHINE s'obstine dans une pop conventionnelle et poussive, qui plus est en rupture totale avec la musique qui avait généré un public fidèle dans les années 80... Cette rupture est peut-être volontaire, le groupe à ce moment là cherche une certaine crédibilité "rock" et par la même occasion à renouveler son public. Mais si effectivement ceux qui les ont soutenus dans les années 80 sont déconcertés par l'orientation musicale du groupe à l'aube des années 90, ils ne sont pas pour autant remplacés.

"Un jour dans notre vie" est, à mon avis l'album de trop d'INDOCHINE et je ne suis certainement pas le seul à le penser... Le départ fin 1994 de Dominique après la tournée qui a suivit la promo de ce disque va dans ce sens. Car enfin, objectivement, quel intérêt peut-on lui trouver ? Même la pochette est affreuse ! L'orientation musicale globale de ce disque est résolument pop-rock, c'est un fait, dans la lignée de l'album "Le Baiser", en un peu plus rock, moins mélodique mais plus rythmé que son prédécesseur. C'est un choix artistique louable du groupe qui souhaite à priori enfoncer le clou de la rupture musicale avec le son INDOCHINE des année 80. Soit. Encore faut-il être à la hauteur ! Car si cette cette option musicale déjà en germe sur certains titres de "7000 Danses" et sur l'ensemble du "Baiser" était plutôt réussi avec des titres comme "La chevauchée des champs de blé", "Un grand carnaval", "Les années bazar" ou "Tant de poussière", ici, il devient difficile de trouver une chanson qui vaille la route ! Les titres choisis pour singles, à savoir "Savoure le rouge" (1993), "Un jour dans notre vie" (1994), et "Sur les toits du monde" (1994), sans être complètement inaudibles, sont franchement médiocres, rébarbatifs, avec des arrangements approximatifs (soi-disant, à l'époque, pour faire évoluer INDOCHINE vers une dimension plus rock, pour "salir" le son du groupe... En ce sens, c'est réussi !), et des textes sans originalité aucune ! Que penser du pathétique "Bienvenue chez les nus", d'une mièvrerie hallucinante, avec un texte dont même la démagogie tombe à plat lorsque Nicola tente dans un très mauvais espagnol de faire un clin d'oeil à ses fans Péruviens ! Quelle excuse peut-on trouver à un morceau comme "Candy prend son fusil" (c'est pas possible ! c'est pas le mec qui à composé la musique de "L'aventurier" ou de "Trois nuits par semaine" qui a pondu cette merde !). Seuls deux titres sauvent cet album de la Bérésina : "La main sur vous", dont la mélodie et le texte tiennent leurs promesses (du niveau de "Punishment park"), et surtout "Crystal song telegram". "Crystal song télégram"... Comme un épilogue, l'album "Un jour dans notre vie" est clôturé par ce petit ovni sans prétention qui est à mon sens, paradoxalement, le meilleur titre de ce disque... Figurant en deuxième titre sur le premier single, à l'époque, nombreux ont été ceux qui ont clairement spécifié leur préférence pour ce second titre "Crystal song télegram" plutôt que pour le supposé tubesque "Savoure le rouge", un peu comme cela se passera plus tard pour le single promo "Punker / J'ai demandé à la lune"... Sauf que même si ce titre "Crystal song télégram" est plutôt réussi, c'est loin d'être un chef-d'oeuvre du niveau de "J'ai demandé à la lune"... Donc, le seul petit engouement de quelques-uns pour ce titre ne suffira pas à sauver l'album "Un jour dans notre vie" du fiasco commercial, justifié, il faut le reconnaître (c'est la première fois qu'un album d'INDOCHINE n'est pas "disque d'or" : 90 000 acheteurs au total, en vente cumulées jusqu'à aujourd'hui. C'est en tout cas à ce moment là l'album le moins vendu depuis le début de leur carrière, si l'on ne tient pas compte de l'album solo de Nicola). "Crystal song télegram" fera toutefois partie des quelques morceaux de cet album joués systématiquement par le groupe durant la tournée 94 (avec le titre réduit à "Crystal song" sur le live "Radio Indochine").


WAX [1996]

Le milieu des années 90 est une période de flottement pour INDOCHINE qui, n'ayant pas su convaincre avec le dernier album studio, commence une assez pénible traversée du désert. Ainsi, après la tournée promo de "Un jour dans notre vie", en 1994, probablement déçu de l'échec de cet album, Dominique quitte à son tour le groupe ; un départ qui n'est pas sans conséquence, et qui remet sérieusement en cause l'existence même d'INDOCHINE, car contrairement à Dimitri qui n'avait qu'un rôle de musicien, en fin de compte, et dont le départ fin 1988 n'a eu que des conséquences "psychologiques", Dominique était quand à lui le compositeur attitré du groupe, c'est-à-dire que le "son INDOCHINE", en fin de compte, lui est imputable ! Alors, dans ce contexte, peut-on encore sérieusement penser à ce moment là que le groupe existe encore ? Pour ceux qui ont eu vent du départ de Dominique du groupe, même si ce n'est pas officiellement annoncé (une annonce officielle pour quoi faire, d'ailleurs ? qui s'intéresse encore à INDOCHINE en 1994-1995 ?), c'est une évidence : par la défection du guitariste-compositeur du groupe, INDOCHINE a splitté. Et pourtant...


En 1996 sort dans le commerce une seconde compilation : "Unita". Cette compil est déclinée en deux versions, "Unita" et "Les versions Longues", la première avec les titres au format 45 tours / singles en version "classique" (à peu de choses près, les mêmes titres que sur "Le Birthday Album", avec quelques titres supplémentaires tirés de "Un jour dans notre vie", et un inédit, "Kissing my song") et une seconde avec les titres en "versions longues", c'est-à-dire en version maxi 45 tours ou remixées. Ce disque "Les Versions Longues", est une véritable perle musicale, tant il est vrai que la compilation regroupe les meilleures versions des morceaux retravaillés et remixés d'INDOCHINE ; ainsi, même des titres un peu "faibles" en version album comme "Des fleurs pour Salinger" ou "La chevauchée des champs de blé" acquièrent ici une toute autre dimension. Mention spéciale pour les versions longues de "Un grand carnaval", "Punishment Park" et surtout de "Hors-la-loi".

1996, c'est aussi le quinzième anniversaire de la création d'INDOCHINE, d'où le prétexte de cette compilation... Sauf que, contre toute attente, cette compil annonce en fait avec l'inédit "Kissing my song" un nouvel album studio d'INDOCHINE, qui sortira quelques mois après : "Wax". Et là, on ne peut qu'être dérouté : Un nouvel album studio d'INDOCHINE ? sans Dominique ni Dimitri ? Est-ce bien sérieux ? Sur cet album, ce sont les dénommés Jean-Pierre Pilot et Alexandre Azaria qui se sont partagé le travail de composition, l'écriture des textes, comme d'habitude, restant la prérogative de Nicola. Mais franchement, peut-on parler d'un album d'INDOCHINE ? objectivement, n'est-ce pas plutôt un deuxième album solo de Nicola Sirkis ? Non, dira-t-on à l'époque, car il y a encore Stéphane dans le groupe : donc, ce n'est pas un album solo. "Wax" est, incontestablement, un nouvel album "du groupe INDOCHINE". Admettons. Un peu d'enthousiasme, que diable ! un nouvel album studio d'INDOCHINE en 1996, c'est super ! et c'est surtout inespéré ! on croyait que le groupe n'existait plus... On ne va pas ternir le tableau en contestant la légitimité d'un patronyme pour un quatuor réduit en fait à deux de ses membres originels (encore que Stéphane n'était même pas dans la première mouture d'INDOCHINE, constituée initialement du trio Nicola-Dimitri-Dominique). Mais là où le bât blesse, c'est que ce nouvel opus ne laissera pas un souvenir impérissable. Même en s'y mettant à deux, les compositions de Azaria et Pilot n'arrivent pas à la cheville de celles de Dominique : "Wax" est à peine au dessus du niveau de "Un jour dans notre vie", un album où manifestement Dominique était en panne d'inspiration. En ce sens, l'inédit "Kissing my song" était prémonitoire... Déjà, sur la compil, ce titre était aussi indispensable qu'un furoncle sur la peau d'un bébé : Qu'est-ce que cette horreur vient faire là ? "Kissing my song" est un titre absolument inaudible, peut-être le pire titre étiqueté "INDOCHINE" de toute leur histoire... Un moment, on pouvait penser que ce n'était qu'une séquelle de "Un jour dans notre vie", un titre trop mauvais à l'époque pour être retenu pour l'album (soit dit en passant, le pire album d'INDOCHINE, c'est dire !) ; en fait, non ! c'est une nouvelle compo, premier extrait du futur album à venir ! Au moins, on aura été prévenu, et à ce niveau, "Wax" tient ses promesses. C'est un album inégal, où se cotoyent des horreurs ("Kissing my song") et des titres médiocres ("Peter Pan", "Révolution"), parfois quelques morceaux plutôt réussis, heureusement ("Je n'embrasse pas", "Les silences de Juliette" et "Drugstar", avec le retour ponctuel de Dimitri Bodianski au saxo sur ce titre), encore qu'il n'y ait pas de quoi révolutionner le genre : dans le style, il est beaucoup moins bon que l'album solo de Nicola "Dans la lune" mais un peu meilleur quand même que "Un jour dans notre vie" ; déjà, ce n'est qu'un détail insignifiant, mais contrairement à celle de "Un jour dans notre vie", la pochette de "Wax" est superbe ; en outre, si les compositions sont décevantes dans l'ensemble, en revanche, les arrangements, eux, sont plutôt réussis, souvent très sophistiqués, conférant globalement à cet album une agréable couleur pop-baroque assez d'avant-garde pour l'époque, des arrangements qui suffisent parfois, comme c'est le cas pour le titre "Satellite", à rattrapper les faiblesses d'un composition à peine du niveau de "Savoure le rouge" ; en revanche, ça ne suffit pas pour "Kissing my song", dont la réverb très "indus", certes dans l'air du temps, tombe comme un cheveu dans la soupe pour cette rengaine antagoniste avec ce style. Bien évidemment, cet album ne sera pas parmi les plus vendus en France en 1996 et 1997, loin s'en faut : à peine 50 000 exemplaires en France, ce qui en fait l'album studio le moins vendu d'INDOCHINE, toutes périodes confondue ! en revanche, cet album s'est relativement bien vendu en Belgique, puisque 10 000 exemplaires de "Wax" y ont étés écoulés, soit autant que de "7000 Danses", ce qui, en rapport de la population de ce petit pays, en fait un score très honorable.

Mais d'un autre côté, avec le succès relatif des singles "Drugstar" et "Satellite" (peut-être grâce à l'originalité des arrangements et des vidéos ? sans être devenus de véritables "tubes", ces deux singles seront, respectivement en 1996 et 1997, bien diffusés à la radio ou à la télé, et bien distribués), à cette époque, le groupe commence à connaître une réelle crédibilité dans le milieu très fermé du rock. Entre les deux, la sortie du single "Je n'embrasse pas" passera injustement inaperçue, alors que cette chanson est certainement la meilleure de cet album. Ce titre sera toutefois remarquée par quelques médias (et plutôt en bien), et INDOCHINE aura même l'occasion de le jouer sur la scène de l'émission télé "Taratata" au début de l'année 1997. Après, manque de coordination, promotion et distribution approximative, tout un tas de circonstances qui font que le public n'a pas suivi pour ce titre (à part peut-être en Belgique ?).

Par contre, et cela reste une question de déontologie, doit-on considérer cet ersatz comme le septième album d'INDOCHINE ou plus objectivement comme le deuxième album solo de Nicola Sirkis ? Une question qui restera récurrente par la suite à chaque sortie d'album. Enfin quoi qu'il en soit, le nom d'INDOCHINE est à l'heure actuelle tellement associé à celui de Nicola Sirkis que l'on est en droit de se demander si, rétrospectivement, ce n'est pas plutôt l'album "Dans la lune" qui doit être considéré comme le véritable sixième album d'INDOCHINE... D'autant que, en terme de ventes, le score réalisé par "Dans la lune" (40 000 exemplaires) n'est pas ridicule en rapport de "Wax" (50 000 exemplaires, 60 000 en cumulant avec les ventes réalisées en Belgique).


DANCETARIA [1999]

Février 1999, Stéphane Sirkis n'est plus. La disparition de son frère jumeau est évidemment un coup terrible pour Nicola. Le décès de Stéphane survient au moment où tout deux travaillaient depuis plusieurs mois avec Jean-Pierre Pilot sur un nouveau projet d'album studio. Alexandre Azaria a quand à lui été entre temps évincé du groupe. C'est peut être mieux comme ça, vu le piteux résultat de "Wax". En revanche, un nouveau venu, Olivier Gérard, dit "Oli De Sat", intègre la formation, et contribuera pour beaucoup à l'identité sonore d'INDOCHINE des années à venir. Car en effet, en dépit de la mort de Stéphane, Nicola choisit de poursuivre malgré l'adversité l'aventure INDOCHINE, désormais ultime rescapé de la formation originelle. C'est dans ce contexte très particulier que sort au mois d'août 1999 ce nouvel opus "Dancetaria", 8ème album "officiel" d'INDOCHINE.

Et c'est un choc. Un choc et une surprise, l'album que l'on espérait plus ! Car contrairement aux trois précédents albums studios ("Wax", "Un jour dans notre vie", "Le Baiser"), INDOCHINE sort avec "Dancetaria" un album absolument remarquable ! Qui pouvait encore croire en 1999, après une bonne décennie de productions médiocres voire carrément mauvaises, qu'INDOCHINE puisse encore proposer un tel chef-d'oeuvre ? Car à part "7000 Danses" sorti en 1987, peu d'albums du groupe sont au niveau de celui-ci. D'ailleurs, la coïncidence est troublante : "7000 Danses", "Dancetaria", deux des meilleurs albums d'INDOCHINE portent presque le même nom. Bon, "chef d'oeuvre" est peut exagéré, il n'empêche que l'ensemble de ce disque frôle la perfection : Il y a dans "Dancetaria" une ouverture musicale manifeste, avec des sons electros ponctué parfois de guitares saturées retravaillées à la sauce industrielle, et tout cela confère à certains titres comme "Astroboy", "Manifesto (Les divisions de la joie)" ou "Rose song" une dimension absolument spectaculaire. Avec les mélodies planantes de "Venus" ou "Le message", on est en terrain connu, puisque ces titres s'inscrivent dans la lignée des "7000 danses" et autres "More"... Avec "Atomic sky" et "Justine", la pop devient mélancolique sans tomber dans le piège de la mièvrerie comme cela a été trop souvent le cas, malheureusement, par le passé... Dans un veine pop plus "classique", deux titres "Stef II" (le titre est bien sûr un hommage à Stéphane Sirkis) et "Juste toi et moi", choisis tout deux comme "singles"... Il est d'ailleurs surprenant que ce soit "Juste toi et moi" qui soit sorti comme premier single pour "lancer" l'album, car même s'il est plutôt de bonne facture (en comparaison des titres des trois albums précédent, il l'est !), c'est peut être finalement le morceau le moins réussi de l'album ! "Stéf II" en revanche est un titre pop-rock particulièrement inspiré... Il n'est pas devenu un tube à proprement parler, mais il a été à l'époque un titre dans l'air du temps... Il s'en est fallu de peu, sans doute, pour qu'il en soit un. Quand à l'interminable ouverture de l'album (plus de 7 minutes, quand même !), le titre éponyme "Dancetaria", il synthétise à lui seul le son de cet album en mélangeant sans complexe ces différentes orientations musicales dans une cohérence et une harmonie qui défie la logique la plus élémentaire ! En étant un peu exigeant, on peut ne pas être complètement séduit par deux titres, "She night" et "Halleluya", mais esthétiquement, ces deux titres tiennent tout de même la route ! En fin de compte, rien à jeter sur cet album, pas la moindre horreur style "Candy prend son fusil" ou "Kissing my song" (alors que finalement, de par son orientation musicale, "Kissing my song" est relativement proche du son "Dancetaria"... C'était un brouillon, peut-être ?). Bien sûr, c'est toujours la voix de Nicola et ce sont toujours ses textes. Ce sont toujours des compositions de Jean-Pierre Pilot, parfois de Stéphane ou de Nicola lui-même... Alors, est-ce qu'ils ont été particulièrement inspirés pour cet album ? ou est-ce Oli De Sat qui, de concert avec les trois compositeurs, a sû sublimer par son approche esthétique et son orientation musicale personnelle les titres de cet album ?

Quoi qu'il en soit, dantesque sans être grandiloquent, l'album "Dancetaria" posera les bases définitives du son nouveau d'INDOCHINE pour les années à venir, un son qui sera leur nouvelle identité musicale, un son qui les rendra désormais identifiable dès les premières notes, comme c'était le cas dans les années 80, où INDOCHINE avait son propre style, un style en phase avec son époque mais unique en son genre. Evidemment, il est tentant de penser que ce nouveau son d'INDOCHINE est avant tout celui d'Oli De Sat, de même que le son d'INDOCHINE des années 80 était celui de Dominique Nicolas, et que de ce fait, le concept "d'INDOCHINE" est franchement bancal, au mieux "à géométrie variable". Reste, immuable, la voix de Nicola, ultime point commun à toutes les périodes. Il ne manque sur cet album qu'un tube véritable pour transformer l'essai, car en fait d'essai, c'est déjà une réussite commerciale, le public ne s'y trompe pas, et l'album est très rapidement disque d'or (100 000 exemplaires vendus en France, 120 000 en cumulant avec la Belgique), ce qui n'était pas arrivé depuis l'album "Le Baiser" (vendu à 250 000 exemplaires, et encore, en cumulant les ventes sur plusieurs années consécutives, qui plus est à une époque où le groupe était toujours dans une période faste !).


PARADIZE (2002)

Essai transformé en 2002 avec le 9ème album studio "Paradize" ! Un simple copié-collé diront certains de "Dancetaria" tant la filiation est évidente entre ces deux albums. Et ici encore, on frôle la perfection... Tout au plus peut-on reprocher au titre "Mao Boy" d'être franchement rengaine ou à "Un singe en hiver" d'être un peu soporifique... La seule différence notable entre "Dancetaria" et "Paradize", ce sont les auteurs et les compositeurs des chansons, car autant "Dancetaria" etait une oeuvre personnelle du groupe stricto sensu, textes, musiques et arrangements du quatuor Nicola, Stéphane, Jean-Pierre Pilot et Oli De Sat, autant "Paradize" est un album "d'ouverture". En effet, de par la défection de Stéphane mais aussi de par la mise au placard entre temps de Jean-Pierre Pilot, les deux rescapés de la conception de "Dancetaria" Nicola et Oli De Sat choisissent de faire appel à l'écriture, à la composition voire à l'interprétation d'intervenants extérieurs : Camille Laurens, Rudy Léonet, Gérard Manset, Jérôme Soligny, Jean-Louis Murat, Mickaël Furnon, Ann Scott, Mélissa Auf Der Maur, Pauline Léonet, Marc Morgan...


Et lorsque l'album sort en 2002, la machine s'emballe ! la reconnaissance du public pour "Dancetaria" devient un plébicite pour "Paradize", car cette fois, il y a un énorme tube à la clé : "J'ai demandé à la lune". Une ritournelle pourtant sans prétention composée et écrite pour INDOCHINE par Mickaël Furnon du groupe Mickey 3D, mais sublimée par les subtils arrangements d'Oli De Sat et le mixage de Phil Délire. Pour l'anecdote, la fillette qui donne la réplique à Nicola sur ce titre est Pauline Léonet, la fille de Rudy Léonet, un ami commun de Nicola Sirkis et Jean-Louis Murat et qui, quelques mois plus tôt, avait réussi à convaincre ce dernier d'écrire un texte pour INDOCHINE : "Un singe en hiver" (initialement baptisé "Ancien d'Indo"). En fait, à l'origine, le premier titre du premier single promo de l'album devait être "Punker", et "J'ai demandé à la lune" ne devait être que le deuxième titre du single. Mais devant les retours enthousiastes vis-à-vis du second titre du single promo envoyé en avant-garde de l'album, en fin de compte, c'est "J'ai demandé à la lune" qui deviendra le titre numéro un du single commercialisé, "Punker" étant dès lors relégué comme second titre. L'engouement pour cette chanson devient alors phénoménal, et même transgénérationnel ! Et le titre "J'ai demandé à la lune" sera beaucoup plus qu'un simple tube, puisqu'il deviendra l'un des titres emblématiques de l'année 2002, se classant même numéro un des ventes de singles en France, devenant pour INDOCHINE leur plus gros succès public depuis "L'aventurier" !

Et l'effet "J'ai demandé à la lune" a évidemment des répercussions sur la suite des évènements en boostant les ventes de l'album et des autre singles d'INDOCHINE : ainsi, "Paradize" se vendra à plus d'un million d'exemplaires (alors que "Dancetaria", pourtant d'un niveau artistique comparable, ne s'était vendu "qu'à cent mille exemplaires", ce qui était déjà pourtant un joli succès commercial, leur plus grosse vente depuis "Le Baiser") ; quant aux singles "Mao Boy" (en octobre 2002) et "Un singe en hiver" (novembre 2003) , pourtant peut-être les deux morceaux les moins forts de l'album, ils seront eux aussi classés au Top 50 (alors que ces titres, artistiquement, sont du même acabit que "Juste toi et moi", "La chevauchée des champs de blé" ou "Satellite", en tout cas certainement moins bons que "Stéf II", "Je n'embrasse pas", "Punishment park" ou "Drugstar" qui pourtant n'y avaient pas été classés). Quoi qu'il en soit, succès mérités en 2003 pour les deux singles "Le grand secret" (un duo avec Mélissa Auf Der Maur, ex-membre du groupe Américain The Smashing Pumpkins) et "Marylin", deux titres de haute volée. En ce qui concerne les autres titres de cet album, c'est quasiment le "sans faute" ; dans l'ensemble, les compos sont assez homogènes en ce qui concerne le style ; ce sont des titres aux mélodies imparables soulignées par de puissants sons de guitare et d'improbables effets électros ; seul le rythme diffère d'un titre à l'autre, un rythme excessivement lent pour les slows "La nuit des fées" et "Le grand secret", un peu plus rapide pour "Le manoir", "Dark" et "Comateen I" (et "J'ai demandé à la lune"), et ainsi de suite, de plus en plus rock avec "Popstitute", "Like a monster", "Dunkerque", "Paradize" ou l'excellent "Electrastar" (tous ces titres dans la même veine que "Marilyn" ou "Punker"). Le plus hallucinant est que sur un album assez conséquent, avec pas moins de quinze titres (à titre comparatif, "7000 Danses" n'a que neuf morceaux), tout est bon, pour ainsi dire ! il n'y a rien à jeter ! Certes, "Mao Boy" et "Dunkerque" sont parfois "lourds", répétitifs, et quelques slows comme "Un singe en hiver" ou "La nuit des fées" manquent un peu de saveur, mais il n'empêche que, comme sur l'album précédent, les arrangements subtils compensent largement quelques faiblesses de composition et en font des titres tout à fait honorables.

"Paradize" est donc l'album de la consécration du nouvel INDOCHINE (Nicola Sirkis / Olivier Gérard), au même titre que "3" l'a été pour INDOCHINE dans sa période "new-wave" (Nicola Sirkis / Dominique Nicolas). Un succès qui justement permet au groupe de s'affranchir de son difficile héritage des eighties (comment ne pas penser systématiquement à "L'aventurier" ou à "Troisième sexe" losque l'on évoque INDOCHINE ?) en se montrant crédible dans un style très contemporain ; surtout que cette fois ci, il y a consensus : c'est une reconnaissance du grand public mais aussi des medias en général et de la presse spécialisée rock en particulier ; et ça, c'est vraiment nouveau dans leur parcours, car si dans les années 90, le milieu du rock avait au vu de leur évolution musicale consenti à les cautionner un tant soit peu, en revanche le grand public n'avait pas du tout adhéré à leur musique ; en tout cas, rien de comparable avec le succès rencontré dans les années 80. Par contre, dans les années 2000, INDOCHINE n'a plus rien à prouver à personne.

ALICE & JUNE (2005)

Avec le succès phénoménal de "Paradize" au bout de 20 ans de carrière, INDOCHINE joue incontestablement dans la cour des grands. Donc, chaque sortie d'album d'INDOCHINE à partir de ce moment-là devient en France un événement national. Ainsi, lorsque apparait en septembre 2005 le nouveau single "Alice et june", au texte inspiré de "Alice au pays des merveilles" (de Lewis Caroll), INDOCHINE connait évidemment un succès immédiat, d'autant que ce titre résolument rock est particulièrement inspiré... Ce single est précurseur du double album "Alice et June", le 10ème d'INDOCHINE, qui sort au mois de décembre 2005. Avec cet album, INDOCHINE reste dans la lignée des deux précédents opus "Dancetaria" et "Paradize", en privilégiant toutefois un peu plus l'approche "rock" par rapport à la dimension synthétique inhérente au style INDO de cette période. Esthétiquement, abstraction faite des ventes subjectives de l'album "Paradize" boosté par le méga-succès quasi surréaliste du single "J'ai demandé à la lune", "Alice et June" est un album d'un niveau artistique comparable à ses deux prédécesseurs... Donc, autant dire que sur ce disque, une fois de plus, il n'y a rien à jeter ! tout est bon ! Avec sur ce double album-concept ("Alice : La promesse" / "June : Le pacte") on découvre une véritable ouverture musicale à la scène rock "dure" Française, avec la participation du groupe punk-rock "Les Wampas" (titre "Harry Poppers", petit clin d'oeil à "Harry Potter", évidemment) et du combo nu-métal "AqME" (titre "Aujourd'hui je pleure"). En outre, figure sur ce disque un duo exceptionnel avec Brian Molko du groupe Anglais mondialement reconnu "Placebo" sur le titre "Pink water 3", qui sortira en 4ème single après "Lady boy" (2ème extrait de "Alice & June") et "Adora" (3ème extrait). "Crash me" sera le 5ème et ultime single tiré de cet album.



Outre les cinq "singles" ("Alice et June", "Lady boy", "Adora", "Pink water" et "Crash me") face visible de l'iceberg "Alice et June", on peut signaler sur cet album la présence d'un titre particulièrement réussi, qui aurait peut-être mérité lui aussi d'être mis en valeur par une sortie en single : il s'agit du remarquable "Gang bang"... En tout cas, cette chanson est sans doute meilleure que celle choisie comme deuxième single en extrait de cet album, "Lady boy", un titre finalement un peu en dessous de la moyenne... Et le groupe ne s'y trompe pas : ce titre sera joué au cours du concert surréaliste mi-symphonique, mi-électrique au mois de juin 2006 donné... en ex-Indochine Française ! un album live sorti début 2007 témoigne de cette prestation très particulière, dans un pays (actuel Viet-Nam) où le groupe INDOCHINE est à peu près inconnu...



LA REPUBLIQUE DES METEORS (2009)

Pendant un ans et demi, l'actualité discographique d'INDOCHINE est chargée, de la sortie en septembre 2005 du single "Alice et June" à celle de l'album "Live à Hanoï", sorti le 19 février 2007, en passant par la sortie de l'album (double) "Alice et June" en décembre et bien évidemment, avec celles des divers singles extraits de cet album pendant toute l'année 2006 ("Lady boy", "Adora", "Pink water"...). La présence d'INDOCHINE dans les médias se fait un peu plus discrète en 2008. Le groupe sera pourtant sur la brèche au cours de cette année 2008, pour une initiative un peu particulière. On le sait, depuis les débuts d'INDOCHINE, Nicola (voir albums "L'aventurier" et "Le péril jaune") est très influencé par tout ce qui touche à l'Extrème-Orient. Le nom même du groupe est une référence au roman de Marguerite Duras, "L'amant", qui se déroule en Indochine Française (actuels Cambodge, Laos et Viet-Nam, d'où l'idée de jouer, ne serait-ce que pour l'anecdote, à Hanoï). Or, justement, en 2008, les Jeux Olympiques doivent se dérouler à Pékin, en Chine ! On pouvait se doutait que Nicola ne pouvait manquer cette occasion... On était enclin à croire à un engouement positif de sa part pour cet événement... C'était sans compter sur ses convictions citoyennes et son attachement profond aux respects des droits de l'Homme ! Car il est évident que l'univers fantasmé de l'Extrème-Orient et de la Chine en particulier dans les chansons du groupe est souvent en décalage avec une réalité plus pragmatique, plus dramatique surtout (Drame des guerres Sino-Japonaises, de la guerre en Corée, de celle du Viet-Nam, génocide Cambodgien)... De cela, Nicola n'est pas dupe, et il profite de cet événement des Jeux Olympiques pour bien clarifier la situation, pour éviter tout malentendu quant aux textes d'INDOCHINE rapport à la réalité historique et politique. Entre la poésie et la vraie vie, il y a un gouffe ! Aussi, en 2008, INDOCHINE propose un titre inédit pour soutenir l'action de Reporters Sans Frontières qui dénonce le manquement de respect des droits de l'Homme par le gouvernement Chinois, en particulier au Tibet, abusivement occupé par la Chine depuis plusieurs décennies. Il s'agit en fait d'une reprise, du titre new-wave "You spin me round (like a record)" du groupe Anglais "Dead Or Alive", un gros tube mondial (même au Japon, paraît-t-il) de 1985. Abstraction faite de l'initiative, c'est aussi musicalement parlant une excellente surprise ! Cette version 2008 de "You spin me round" par INDOCHINE est vraiment de très grande facture ! C'est un avis personnel, donc franchement subjectif, mais en ce qui me concerne, je trouve cette version-ci bien meilleure que la version originale... Peut-être parmi les dix meilleurs titres jamais enregistrés par le groupe depuis les débuts... Dommage qu'il ne s'agisse que d'une reprise... L'actualité musicale à voulu qu'en 2009, une version édulcorée de ce même titre devienne (à nouveau) un très gros tube "Right round" par FLO-RIDA ne supporte pourtant pas la comparaison avec la version d'INDOCHINE... Mais la machine promotionnelle pour le single de FLO-RIDA a été bigrement efficace... Ce qui aura compensé en 2009 les lacunes de cette version. Evidemment, la version "anecdotique" de 2008 de "You spin me round" par INDOCHINE passera un peu inaperçue... Ce qui est d'autant plus regrettable que cette version là était bien meilleure que celle de FLO-RIDA... Le show-business est sourd, la politique est aveugle, ce n'est pas nouveau. Heureusement, ce titre sera publié en 2009 sur la version "collector" du nouvel album "La république des météors"...

Car c'est officiel depuis fin 2008, INDOCHINE vient d'achever l'enregistrement studio du nouvel opus à venir. Ce onzième album sort donc en grande pompe début 2009, avec un premier single pour l'annoncer : le très réussi "Little Dolls". Musicalement, même si le style INDOCHINE reste cohérent, voir homogène depuis 1999, depuis l'excellent "Dancetaria", on peut quand même trouver un franche gemellitude entre ledit "Dancetaria" et le cultissime "Paradize"... A ce même titre, "La république des météors" est un véritable copié-collé de "Alice et June"... Par rapport à "Dancetaria" et "Paradize", "La république des météors" privilégie un petit peu plus les guitares au détriment des claviers (c'était déjà le cas sur "Alice et June"). Donc, c'est un album rock sans concession, certes de très grande facture, mais dont tout les titres sans exception auraient pu figurer sans choquer outre mesure sur "Alice & June".

Le second single, "Play boy", fait figure d'exception : on reste en terrain connu, c'est de l'INDOCHINE pur jus... Sauf que ce titre sonne très new-wave, tout à fait dans le style INDO du temps de Dominik... "Play boy" aurait pu figurer sans surprendre sur l'album "3" (1985)... On peut aussi lui trouver une parenté avec "Crystal song télégram" de l'album "Un jour dans notre vie" (1993)... Un titre dans lequel Nicola renoue avec le style de ses débuts... Y compris au niveau du texte. Le texte, justement, de "Play boy"... Parlons-en ! car ici, Nicola ne fait pas dans la dentelle : particulièrement provocateur, sous ses airs de chansonnette anodine, "Play boy" fera particulièrement parler de lui en 2009, ne serait-ce que pour ces quelques phrases, particulièrement éloquentes : "... Moi j'ai du mal avec les artistes surtout les Français qui habitent en Suisse..." Ici, Nicola fustige l'évasion fiscale (certains y ont vu une allusion à Johnny Hallyday ?) ; ou encore "...J'adore le sexe et les snuff movies, je trouve qu ce sont des purs moments de vie..." ; Enfin, en filligrame, une ambigüité sexuelle affichée, qui rappelle immanquablement les titres "Canary bay" et "3ème sexe" de l'album "3" : "...Quand j'étais adolescent j'ai essayé les vêtements de ma mère...". Pour résumer, ce texte remet les pendules à l'heure pour ceux qui en serait resté au très soft "J'ai demandé à la lune"... Rappelons au passage que ce texte là n'était pas de Nicola lui-même, mais de Mickaël Furnon... Ceci explique cela.



Fin 2009, un troisième single est extrait de "La république des méteors" : il s'agit de la ballade assez conventionnelle finalement "Le lac"... Curieusement, pour conventionnelle qu'elle soit, cette chanson sera un gros tube pendant l'hiver 2009-2010 ! Beaucoup plus intéressant, le quatrième, single sorti courant 2010, sera le titre "Un ange à ma table". Co-écrit et interprété en duo avec Suzanne Combeaud (ex-membre du groupe "Pravda"), ce titre est incontestablement un des meilleurs de cet album (peut-être le meilleur, juste après "You spin me round" pour la version collector). C'est un très bon rock, particulièrement inspiré, un peu influencé peut-être par le style "Placebo" ; rappelons que le chanteur de ce groupe, Brian Molko, avait participé au titre "Pink water 3", de l'album précédent. Ce n'est donc peut-être pas un hasard si "Un ange à ma table" ressemble à du Placebo de grande facture : c'est peut-être un clin d'oeil ? une mélodie imparable, un rock efficace, la mélancolie dans la voix de Suzanne donnant la réplique à Nicola font de ce titre une véritable perle ! Curieusement, "Un ange à ma table" ne sera pas un très gros tube de l'année 2010, un joli succès radio, tout au plus (du niveau de "Des fleurs pour Salinger", par exemple).

Fin 2010, le cinquième single "Le dernier jour" ne connaîtra pas lui non plus un très gros succès. Le fait est que ce titre qui clôture l'album "La république des météors" n'est pas aussi bon que "Un ange à ma table"... Ceci étant, il joue esthétiquement au moins à jeu égal avec "La lac", qui avait été un tube un an plus tôt... Les aléas du succès sont parfois abscons... Enfin, "La république des méteors" est un album qui restera dans les annales parmi les meilleurs du groupe, d'autant que cet album est contemporain de l'apogée scénique du groupe : c'est en effet au cours du mois de juin 2010 qu'INDOCHINE joue pour la première fois de son existence au "Stade de France" à Paris, battant ainsi son record absolu en quantité de spectateur au cours d'un concert mémorable.

Ainsi, en 2011, en 30 ans de carrière, vétéran de la new-wave, INDOCHINE est devenu au fil des années beaucoup plus qu'un grand groupe de rock : Désormais, INDOCHINE est une véritable institution.



Mardi 11 Janvier 2011 - Saint Paulin, Sainte Pauline*
(*Pauline est le prénom de la petite fille en duo avec Nicola sur le titre "J'ai demandé à la lune"... "Pauline" peut également se fêter le 9 janvier... )


Références Bibliographiques : "Indochine de A à Z", Sébastien Bataille, MusicBook / Prélude et Fugue (2003) ; "Indochine Story", Anouk Vincent, City Editions (2009) ; "Indochine, le livre", Jean-Eric Perrin, E/P/A, Hachette-Livre (2010).


PS : Entà milhor conéguer INDOCHINE, existish tanben un crane blòg que vos arrecomandi : http://salombo06.centerblog.net/